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vendredi, août 03, 2012

Bourguiba. La mort du loup.


‘’A voir ce que l'on fut sur terre et ce qu'on laisse, Seul le silence est grandtout le reste est faiblesse.’’ Alfred de Vigny.

 
Habib Bourguiba aura été certainement le personnage qui a marqué le plus la Tunisie du XXème siècle.
Le pays aura connu entre les années 1930, début de sa longue carrière politique et 2000, année de son décès non pas un mais plusieurs Bourguiba.
Le leader patriote intransigeant, le fin tacticien, l’Homme d’Etat, le bâtisseur, le réformateur, le visionnaire et maitre incontesté de stratégies et de relations internationales (Jéricho, Palmarium..) mais aussi le despote cynique (la destitution de la famille beylicale et le traitement réservé à celle–ci, la crise yousséfiste..).
L’école publique, la santé, l’administration moderne et efficace (avec toutes ses tares et elle sont innombrables) c’est lui.
Mais les rendez–vous ratés avec l’institution d’un vrai Etat démocratique c’est aussi lui.
Enfin, Ben Ali n’a été en fait que le fruit amer de cette fin de règne chaotique et interminable de Bourguiba. 
Paix sur son Âme.

samedi, février 09, 2008

Roger Lemerre Vs حسن شحاتة


Combien touche l'un ? Combien touche l'autre ? Quels sont les résultats obtenus par l'un ? Quels sont les résultats obtenus par l'autre ?

mercredi, janvier 23, 2008

Médiocre.


Au regard de sa piètre prestation devant l'équipe du Sénégal, notre onze national a eu beaucoup de chance d'avoir pu récolter le point du match nul grâce à ce coup de canon de Traoui.
Mr Lemerre doit impérativement revoir sa copie s'il compte aller loin dans cette CAN.

mercredi, décembre 05, 2007

Hached tel que je l'ai connu.

Je ne l'ai vu pour la première fois qu'en 1949, à mon retour d'Egypte. Nous nous sommes rencontrés de loin en loin, au hasard de nos réunions publiques, de nos tournées de propagande ou lorsque j'étais parfois invité dans le local de l'UGTT à l'occasion de quelques festivités.

Chacun avait ses responsabilités, qui étaient lourdes ; chacun travaillait dans le domaine et sur le plan qui lui était propre, mais avec toujours l'idée vivante que les deux organisations UGTT et Néo-Destour sont étroitement solidaires et doivent marcher la main dans la main.

Ce n'est que durant mon séjour en Amérique, au mois de septembre 1951, que je pus le voir de près. C'est à San Francisco, pendant le congrès annuel de l'AFL (American Federation of Labour), puis à Washington, que nous avons vécu et travaillé ensemble, que nous avons eu à débattre et à résoudre de graves problèmes de tactique et de diplomatie.

Mais, durant cette courte période, j'ai pu le connaître à fond ; j'ai compris le secret de son prestige et j'ai été littéralement conquis par le charme de sa personne, ses grands yeux bleus, son rire si franc, son intelligence lumineuse et son caractère attachant(...)

J'avoue que de ce mois de septembre passé avec Farhat Hached en Amérique, j'ai gardé une impression inoubliable. Cet homme extraordinaire joignait à la flamme du pionnier et à l'enthousiasme du militant la pondération et le réalisme de l'homme d'Etat, le sens des responsabilités du chef et la souplesse du diplomate.

J'étais tranquille ! La cause du prolétariat tunisien était en de bonnes mains. Il avait trouvé en ce fils du peuple l'homme prédestiné qui avait la volonté et les moyens de le conduire à la victoire.

Depuis, il a fallu nous quitter pour reprendre chacun son chemin. Je l'ai revu au mois de janvier 1952. A Tabarka, où j'avais été "éloigné". Il était accompagné de Hédi Nouira et avait fait le voyage au volant de sa petite Simca, celle-là même dans laquelle il devait recevoir la première rafale de mitraillette, en ce triste matin du 5 décembre de la même année.

Au moment de me faire ses adieux, il m'a affirmé sa confiance dans la victoire : "Nous gagnerons la dernière manche, ne cessait-il de me répéter ; ne vous faites pas de mauvais sang, cette épreuve de force imposée au peuple n'aura pas été inutile si elle doit convaincre les derniers tenants du colonialisme en France que rien ne peut se faire en Tunisie par la force.

Les démocrates de France et du monde ne nous abandonneront pas et, tôt ou tard, ils feront pencher la balance en faveur de la justice et de la liberté. Nous tiendrons dix ans, vingt ans s'il le faut ; nous tiendrons le dernier quart d'heure et la grande route de la libération nationale sera définitivement déblayée. Pensez surtout à votre santé, le pays en aura bientôt grand besoin".

C'est hélas ! la sienne qui nous manquera au jour de la victoire.

Très ému, je l'ai accompagné à pied jusqu'au pont qui enjambe l'oued El Kébir à la sortie de Tabarka. Je le vois encore, au volant de son auto, me faire de la main un signe qui fut son dernier adieu. Je ne devais plus le revoir.

Mais j'ai reçu plus tard, beaucoup plus tard, l'expression de sa pensée. Tous ceux qui ont connu les prisons ou les camps de concentration savent par expérience qu'aucune barrière n'est si imperméable qu'elle ne laisse au prisonnier un contact avec l'extérieur.

Un matin de septembre 1952, dans cette île de La Galite où m'avait jeté le caprice de M. de Hauteclocque, une providence inespérée m'a apporté un petit paquet soigneusement ficelé. Je l'ouvre : quelle ne fut pas ma surprise d'y trouver une série de documents relativement récents (rapport de la Commission des 40, lettre d'envoi de SA le Bey, réponse du Président de la République, rapport Mitterrand, une motion de la CISL) et tout à fait à la fin un petit papier écrit en français de la main de Ferhat avec ces mots : "Nous nous sommes imposé comme devise : vigilance encore et toujours... et fermeté" Et dans la marge, en arabe : "En avant toujours, l'avenir est à nous. Signé : FH".

Il ne fait aucun doute que cette devise est restée celle du peuple tunisien, et en particulier celle des compagnons de Farhat Hached qui ont aujourd'hui l'insigne honneur de continuer son œuvre et qui la mèneront à bonne fin.

Habib Bourguiba.
Source.

Le 5 décembre 1952 : Assassinat de Farhat Hached.

Principale figure du syndicalisme tunisien et leader des plus populaires de la lutte anti-coloniale, Farhat hached, secrétaire général de l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) incarnait la convergence entre mouvement syndicaliste et mouvement de libération nationale.
Le 5 décembre 1952 au matin, il fut abattu par balles sur la route de Radès, dans la banlieue sud de Tunis.
L'assassinat a été attribué à l'organisation terroriste française "La Main Rouge". Véritable escadron de la mort composé de gendarmes et de colons, cette mystérieuse organisation agissait selon toute vraisemblance sous les ordres des autorités coloniales.
L'enquête qui s'ensuivit a consisté en une entreprise de brouillage des pistes et de destruction systématique d'indices.
Ce qui ressemble fortement à un crime d’État est à ce jour non élucidé.

samedi, octobre 27, 2007

vendredi, octobre 19, 2007

L'Expression est née.

Je viens d'acheter et de parcourir, quoique sommairement le premier numéro du l'hebdomadaire ''l'Expression" éditée par Dar Essabeh.
Mes premières impressions sont assez bonnes.
La présence au sein de l'équipe rédactionnelle de plumes talentueuses comme Ridha Kefi, ancien correspondant de l'hebdomadaire panafricain "Jeune Afrique" est prometteuse.

Wait and See.

mardi, octobre 02, 2007

Cbt.ERTT معلوم الإذاعة و التلفزة.

Cette rubrique figure sur notre facture périodique de consommation d'électricité et de gaz.
Personnellement, je trouve cette contribution totalement injustifiée et ce pour trois raisons au moins.

1. Ma consommation audiovisuelle auprès de l'ERTT étant quasiment nulle en volume horaire, je ne peux comprendre l'obligation qui m'est faite de contribuer à son financement.

2. L'ERTT étant une entreprise à caractère commercial ayant ses propres ressources provenant entre-autres de ses recettes publicitaires, il lui appartient de trouver les moyens pour financer ses activités.

3. Le paysage audio-visuel tunisien s'étant enrichi depuis quelques années de plusieurs chaînes de télévision et de radio privées, cette contribution relève ni plus ni moins de la concurrence déloyale. Une seule entreprise continue à en bénéficier à l'exclusion des autres.

lundi, octobre 01, 2007

Nous et le Ramadan.

Mois de jeûne devenu mois de surconsommation.
Mois d'abstinence et de solidarité sociale devenu mois d'absentéisme, de moindre travail et de querelles sans fin.
C'est l'évolution qu'a connue à travers les années le mois de Ramadan au sein des sociétés arabo-musulmanes et de la société tunisienne notamment.
La production et la productivité d'une part, les prix d'autres part évoluent en sens inverses.
Le Ramadan est pour nous ce que le mois d'août est pour les français, une parenthèse où le rendement tend vers zéro et où tous les écarts sont permis.
Cependant, nous musulmans, nous ne considérons pas le Ramadan comme un mois de vacances. Bien au contraire, nous évitons en général de faire coïncider notre repos annuel avec le mois saint.
Un autre facteur étant la mobilité du mois saint dans l'année. Les dix prochaines années connaîtrons des mois de Ramadan estivaux qui pourraient être particulièrement durs.
Notre année de vie active peut se résumer ainsi en dix mois pendant lesquels notre rendement n'est pas très enviable, entrecoupés de deux mois où notre rendement est quasiment nul.
En totalisant les mois de Ramadan depuis l'avènement de l'Islam ( plus 1400 ans), on peut constater que plus de 120 années ont ainsi été indûment gaspillées.
120 années, c'est à peu de chose près notre retard sur le monde euro-américain.

Chahia tayba.

jeudi, septembre 06, 2007

Algérie: le cortège présidentiel visé par un attentat, 15 morts, 74 blessés.

Un attentat suicide qui pour la première fois visait jeudi un cortège présidentiel mais ne l'a pas atteint, a fait au moins 15 morts et 74 blessés, selon la télévision algérienne à Batna (est algérien) parmi la foule venue saluer le président Abdelaziz Bouteflika, en visite dans ce département.

Le kamikaze, un présumé islamiste dont on ignore l'identité, s'est fait exploser dans le centre de Batna, ville des Aurès dans l'est de l'Algérie. Sa mort n'était pas officiellement confirmée jeudi soir.

Il avait dissimulé la bombe dans un sac en plastique qu'il portait et s'était joint à un rassemblement près d'une mosquée, attendant l'arrivée du président Abdelaziz Bouteflika qui achevait une visite d'inspection dans ce département de l'est algérien.

Le chef de l'Etat n'était pas sur les lieux au moment de l'attentat.

C'est la première fois qu'un attentat est perpétré lors d'une visite présidentielle en Algérie.

Repéré par la population en raison de son état d'excitation, l'assaillant a actionné précipitamment sa bombe au sein de la foule, avant l'arrivée du président de la République sur les lieux, selon des témoins.

La ville de Batna était en état de choc après l'attentat qui a provoqué la panique parmi la population accourue pour accueillir M. Bouteflika. Celui-ci s'est rendu dans la soirée sur les lieux de l'explosion, accueilli par des sympathisants qui ont scandé son nom et crié "vive la réconciliation nationale".

M. Bouteflika, immédiatement informé de l'attentat, s'était auparavant rendu au chevet des victimes à l'hôpital de la ville, et a fustigé peu après "les criminels" dans une intervention à la télévision.

Il a confirmé la politique de réconciliation nationale dont il est le promoteur, et qui offre la grâce présidentielle aux islamistes acceptant de se se "repentir" et de se rendre.

Source : 1, 2.

mercredi, septembre 05, 2007

Ramadan dans une semaine.

Moins d'une semaine nous sépare du Ramadan de l'année 1355, le mois durant lequel les Musulmans observeront le jeûne , douze heures environ par jour.
Pendant ces trente jours, ou vingt neuf – jamais trente et un sauf erreur, rare du reste– la vie à la Médina marchera au ralenti, les cafés maures seront fermés toute la journée, les gros travaux seront laissés au mois de Chawal, les grosses affaires ne seront pas conclues, un horaire spécial permettra aux fonctionnaires de ne faire que quelques heures de présence dans les administrations, les boucheries, les épiceries les pâtisseries seront assiégées, les oeufs, le miel, le beurre, les poulets connaîtront des cours jamais atteints en temps ordinaire, la garde-robe de chacun sera renouvelée selon ses moyens, les magasins de confection, de bonneterie, de chaussures, de soieries, les tailleurs connaîtront le "coup de feu" des années d'opulence et auront l'illusion d'un retour de ces temps révolus, les mendiants seront gavés et il ne leur sera permis d'avoir faim qu'aux heures où tous les fidèles auront faim ; certains restaurants qui recrutent le plus clair de leur clientèle parmi les musulmans, mettront leurs lumières en veilleuse, fermeront ou feront faillite, une clientèle qui ne consommera pas, stationnera des heures entières sur les terrasses des cafés de l'avenue au grand dam des garçons qui supputent en de longs calculs mentaux les bénéfices dont ils seront ainsi frustrés.
Le soir, la ville sera illuminée à giorno, les minarets clignoteront, des guirlandes multicolores égayeront les souks, les rues, les places. Une vie nocturne, grouillante, tapageuse, criante, jacassante, faite de mille bruits, de mille musiques ; les forgerons, les chaudronniers feront retenir l'enclume, les savetiers battront leur cuir, les chaouachis gratteront leurs chéchias, les bransis chanteront vit cousant leurs jebbas ; les taxis, les voitures de place trimballeront des familles entières, bruits de ferraille, échappement libre, claquements de fouets, son de trompe, de claxon, jurons variés, rires, plaisanteries, brocards, quolibets, les cafés maures se torpilleront A coups de phonographes, Abdulwahab, Oum Kolsoum, Chafia, Fethia, malouf, jazz ; les agents de la Médina tiendront un barrage de protection pour prévenir les incursions des dames musulmanes dans l'enceinte d'Halfaouine où un Luna-Park miniature fera courir la population avec ses manèges, ses balançoires, ses tirs, ses karakouz.
Smail Pacha, tabbal, zakar, lanternes magiques, cartomanciens, prestidigitateurs, exhibitions de boxe, de lutte, jeux de hasard, dés, bonneteau, danse du ventre.
Dans quelques jours cette dernière tiendra ses assises un peu partout. Des concerts orientaux sortis on ne sait d'où verront les évolutions de telle ou telle danseuse, retiendront des trémolos de tel ou tel chanteur et feront plusieurs séances par soirée. Installations de fortune la plupart du temps, bâches à protection précaire, chaises mobiles, entrées uniques, portes de secours inexistantes, peu ou pas de police. La Municipalité aura fort à faire pour délivrer les autorisations qui seront subordonnées au passage d'une commission "ad hoc". Souhaitons, dans l'intérêt des spectateurs, et pour que toute cause d'accident soit le plus possible éliminée, qu'on ne soit pas trop généreux dans la délivrance des autorisations d'ouverture de concerts orientaux.
La fête durera très tard dans la nuit. On dansera, on jouera, on travaillera partout. A cinq heures du matin un coup de canon clôturera toute activité, arrêtera tout bruit, éteindra toute lumière. Après le lest du "s'hour" chacun demandera à un sommeil réparateur, un repos bien gagné et toute la matinée du lendemain la ville sera déserte sauf quelques balayeurs faméliques qui balayeront sans conviction les débris de la fête et quelques cochers qui sommeilleront sur leur siège, semblant être là uniquement par acquis de conscience.
A midi, comme sous l'effet d'une baguette magique, la ville se réveillera, les citadins, les yeux rouges de sommeil, sortiront avec leurs couffins, allant aux provisions, les bouchers ouvriront avec fracas leurs éventaires, les voitures à bras rouleront et leurs conducteurs crieront leurs marchandises ; les marchandages commenceront, les cris, les appels, les disputes, les coups de poing et les coups de bâton d'une population exacerbée, bougonne, susceptible, les nerfs à fleur de peau de n'avoir pas mangé...


ABDELAZIZ LAROUI. Le petit Matin ; 11 novembre 1936.

vendredi, août 03, 2007

يا سيِد الأسيادْ

Ceux qui ont dépassé la trentaine se souviennent certainement de cette chanson.
En cette période de l'année on célébrait les festivités de l'anniversaire du Zaïm à Monastir (et ailleurs). Tout le Pays vivait au rythme de cette date du 3 août qui était alors une journée chômée (et payée).
Je ne prétends pas ici dresser un quelconque bilan de l'oeuvre de celui qui fut le père de la Tunisie moderne. Ses succès ont été trop nombreux pour être résumés ici, sa vision stratégique des problèmes nationaux et internationaux, moyen orientaux en particulier s'est révélée quasiment prophétique.
Il a eu aussi ses échecs. Sa sortie de la scène a été complètement ratée.
Bourguiba était un despote éclairé. Mais avec l'âge, de plus en plus despote et de moins en moins éclairé. J'ai toujours apprécié cette belle formule de Bechir Ben Yahmed.
Je vous propose ici quelques photos en hommage à ce grand Monsieur.
Paix sur son âme.

lundi, juillet 30, 2007

À la recherche d’un pays…

Je vous propose à lire cet excellent Post-Stcriptum de Fawzia Zouari paru en date du 22/07/2007.
Bonne lecture.

À la recherche d’un pays…

Marianne a la nationalité française. De parents grecs, elle est née à Djerba, mais n’a pas de passeport tunisien. C’est pour ça que, régulièrement, elle confie, la gorge nouée : « Je crois que je n’ai pas de pays ! » Si, si, répondent ses amis en chœur, tu n’en as que trop, des pays, la Tunisie, la France, la Grèce et l’île de Djerba ! Il n’y a qu’à voir cette façon que tu as de voler au secours de tes compatriotes tunisiens ! Je confirme moi aussi, ayant été témoin oculaire des scènes suivantes.

Marianne déteste le voile. Chaque fois qu’elle voit arriver dans sa classe une élève en fichu, ça la fait rentrer dans une colère monstre : « Mais pourquoi, pourquoi ce recul ? ! » fulmine celle qui ne comprend pas que ses compatriotes naguère les plus libérées du monde arabe se voilent à nouveau. Depuis quelque temps, certaines de ses élèves couvertes ne lui tendent plus la main, comme si serrer la main d’une non-musulmane menait droit en enfer. Et les fois où elle tombe sur une voilée plus amène, celle-ci conclut avec la même formule ambiguë : « Vous ne pouvez pas comprendre. »

Le voile commence à lui faire peur, et le scénario d’une radicalisation de sa douce Tunisie lui dessine le pire des cauchemars. Un jour, peut-être, elle sera prise à partie par une meute de voilées en délire, pour le simple motif d’être une fille de Jésus.

Et voilà Marianne pour quelques jours à Paris, dans un autobus où elle voit trois Françaises d’une soixantaine d’années s’en prendre à une jeune fille voilée : « Quelle horrible religion qui enferme ses femmes sous des tentes ! » lâche l’une, méprisante. « Si elle y tient, à son fichu, qu’elle rentre chez elle ! » renchérit une autre.

Personne ne bouge dans le bus, tout le monde regarde la jeune fille qui tente timidement : « Ici, je suis chez moi. Mon grand-père est tunisien, mais je suis française de troisième génération. Je ne vous ai pas reproché à vous vos décolletés ni vos cheveux teints. »

C’est là où, sans réfléchir, Marianne s’avance vers la jeune voilée, se serre contre elle et lance à l’adresse des trois voyageuses racistes : « Vous n’avez pas honte d’agresser quelqu’un qui ne vous a rien fait ? L’islam ne vous plaît pas ? Qu’est-ce que vous en savez ? Cette jeune fille, au moins, connaît votre langue, vos codes et vos référents. Vous êtes des ignorantes et vous crèverez comme ça ! » avant de pousser devant elle la Beurette vers la sortie.

J’ai demandé à Marianne pourquoi elle a agi de la sorte. Elle a répondu : « C’était plus fort que moi. » Je m’attendais à tout sauf à ce qu’elle défende le voile. Et voilà qu’elle l’a fait, un jour gris, dans un autobus parisien où elle avait l’impression que la meute ce n’était plus les voilées aux relents intégristes, c’était ces Françaises à la laïcité salafiste.

Aux dernières nouvelles, j’ai appris qu’au cours d’une manifestation culturelle à Tunis Marianne s’est fait agresser à son tour par une… Tunisienne de souche qui lui a asséné : « Ici, ce n’est pas ta place. Rentre chez toi, tu n’as rien à voir avec la Tunisie ! »

J’hésite encore. Que dois-je dire à Marianne la prochaine fois que je la verrai : qu’elle a un pays, ou que, malheureusement, elle n’en a aucun ?

mercredi, juin 13, 2007

Comparez et jugez.

Au moment où nous ne cessons de réclamer à la France la liberté de penser et d'écrire, la Nadhara ou Conseil des inspecteurs de la Grande Mosquée, au nom de je ne sais quel fanatisme étroit et aveugle cherche à nous ramener à plusieurs siècles en arrière, en demandant à la section d'Etat l'interdiction de la brochure La Femme musulmane devant la religion et la société, de M. Tahar Haddad.
Nous ignorons pour ne l'avoir pas encore lue, si cette brochure porte atteinte aux dogmes coraniques dont ces messieurs de la Nadhara prétendent être les farouches défenseurs.Mais qu'ils nous permettent de trouver bien déplacée et bien tardive leur ardeur à défendre une foi que, par ailleurs, ils laissent battre en brèche avec leur complaisance si ce n'est pas avec leur complicité.
Se sont-ils donc émus lorsque circula le livre de Monseigneur Pons qui est un long réquisitoire contre l'Islam, plein d'insultes grossières contre notre Prophète ? Se sont-ils formalisés lors du carnaval eucharistique quand il fut procédé à une ample distribution de brochures vertes éditées en arabe et incitant les Musulmans à abjurer la foi de leurs aïeux pour embrasser le catholicisme ? Ont-ils même été scandalisés par le défilé de croisées et de croisés ? Ont-ils seulement bougé lorsque les suppôts dé Monseigneur Lemaître firent élever devant Carthage un arc de triomphe portant le signe de la croix et cette inscription : "Par ceci tu vaincras !" ? Se sont-ils jamais inquiétés lorsque des religieuses parcourent tous les jours la ville arabe et pénètrent dans les maisons pour distribuer des gâteaux et des objets pieux en invitant les parents à envoyer leurs filles dans les écoles congréganistes ?
Non, pendant ce temps-là, ces messieurs digéraient tranquillement leur meloukia et égrenaient avec béatitude leur chapelet en se curant les orteils. Ils n'ont pas pipé. Si, à cette époque-là, ils avaient fait le quart de ce qu'ils font aujourd'hui contre le livre de Haddad, l'archevêché aurait sûrement été obligé de décommander son carnaval et d'arrêter ses ridicules mascarades.
Des jeunes, des potaches ont été emprisonnés pour avoir manifesté contre l'intention de la Direction de l'Instruction publique d'installer des lits pour les moines congressistes dans la mosquée du Collège Sadiki. Ces messieurs n'ont pas pipé.
Des journalistes arabes ont été convoqués à la Sûreté, menacés de la suspension de leurs journaux et tenus responsables de tout mouvement de population contre le carnaval eucharistique. Ces messieurs n'ont pas pipé.
Il a fallu le livre de Haddad pour les tirer de leur léthargie. Aujourd'hui, ils se dressent comme un seul homme pour défendre l'Islam menacé dans ses bases et regrettent de ne pouvoir décerner contre le pauvre Haddad une bulle d'excommunication majeure et mettre à l'index sa brochure ou plutôt faire de tous les exemplaires un autodafé qui servirait à lui rôtir les pieds pour lui donner un avant-goût des supplices de l'Enfer et lui enlever à jamais l'envie de jeter le doute dans l'âme des fidèles.
Pour les besoins de la cause, on a fait revenir sur la scène Sidi Sadok Ennifar, ancien destourien, puis cadi révoqué. Aujourd'hui, selon un bruit persistant qui circule en ville, il serait sérieusement question de sa réintégration comme cadi. Et, pour préparer l'opinion publique, il entre en scène avec fracas, prêche à la Grande Mosquée contre le livre de Haddad aux lieu et place de Sidi Hamda Chérif ; le nouvel apôtre, plein de foi et de dignité offensées, prononce le plus violent et le plus fougueux des réquisitoires contre l'auteur de "La Femme musulmane devant la religion et la société" qui, toujours modeste et effacé, proteste contre cet honneur.

Mais l'ex-destourien et ex-cadi s'était grossièrement trompé. Il voulait soulever l'auditoire d'admiration. On se serait apitoyé sur le sort d'un homme aussi pieux, révoqué par une mesure injuste. Et son retour au Divan aurait été inaperçu, sinon accueilli avec joie. Le mektoub et le gros bon sens du populo en ont décidé autrement.
Le livre de Haddad a donc failli faire réintégrer dans ses fonctions Sidi Sadok Ennifer. Le coup a raté. Mais rien n'indique que la Nadhara renoncera à sa demande d'interdiction.
Il faut croire, au contraire, que dépité de son échec, en ce qui concerne la réintégration et la réhabilitation d'une brillante unité, elle insistera davantage pour obtenir satisfaction.
Contre cette mentalité inquisitoriale, dont fait preuve la Nadhara, nous ne saurions trop élever nos protestations, au nom de la liberté de pensée que nous avons inscrite en tête de notre programme.
Nous n'ignorons pas que cette attitude ne manquera pas de faire déchaîner sur notre journal une tempête de calomnies.
Mais tant pis. Nous aurons fait courageusement notre devoir de Tunisien, non pas en partisan de M. Tahar Haddad, mais simplement en ami de la Vérité et de la Liberté.


ABDELAZIZ LAROUI. Le Croissant ; n° 10-11 du 24 octobre 1930.