Théodore Herzl est connu pour être le père du sionisme politique.
C’est à son initiative que se tint à Bâle, en Suisse en 1897 le premier Congés Sioniste Mondial, première étincelle d’un long processus qui, mènera à la création de l’état d’Israël un demi-siècle plus tard.
Mais un retour en arrière s’impose pour éclairer l’évolution des choses ayant précédé la tenue de ce congrès.
Théodore Herzl, était attaché aux thèses assimilationnistes à son jeune âge lorsqu’il fut journaliste à ses débuts au quotidien viennois Dieneue Freïe Presse (“ La nouvelle presse libre ”). C’est à Paris, au cours de sa couverture du procès Dreyfus pour le compte dudit quotidien, qu’il changea de cap pour devenir le principal stratège et idéologue du sionisme et ce à partir de décembre 1894.
Son livre Der Judenstaat, “ L’Etat des Juifs ” est publié en 1896. Il est devenu depuis la Bible du sionisme.
Entre 1894 et la tenue du premier Congés Sioniste Mondial en 1897, Herzl a entrepris plusieurs actions en direction des plus influents parmi les juifs italiens, français, allemands pour leur convaincre du bien fondé de son action en vue d’avoir leur soutien. Ce n’étaient que déceptions successives.
Pis, les Juifs traditionnels rejetaient le “ retour à la terre promise ”. Ils ont toujours considéré cet acte comme répréhensible, une apostasie même, du moment qu’il cache à peine la volonté humaine de forcer la main de Dieu. “ L’exil, comme le deuil, est un état provisoire, écrit David Banon, qui doit nécessairement prendre fin. C’est Dieu lui-même qui y mettra fin en vertu de son engagement initial lors de l’Alliance ”.
Même les Juifs réformateur ont exprimé leur refus et leur indignation du sionisme politique.
La crainte de Théodore Herzl de ce courant est telle qu’il a dû changer le lieu du premier Congrès sioniste, qui devait se réunir à Munich.
Le véritable tournant survient à la mi–mars 1896 lorsque Herzl a pu rencontrer le révérend William Hechler grace à un ami commun, Raphael Landan, journaliste juif, que Herzl a pu rallier à ses thèses.
Le révérend William Hechler est chapelain de l’ambassade britannique à Vienne. Après avoir souhaité la bienvenue au « fils de Sion » comme il se plaisait à qualifier Herzl, il a étalé un plan de l’ancien temple de Jérusalem et une immense carte de la Palestine pour expliquer à son hôte le lieu où devait s’ériger le nouveau temple. De même il lui fait savoir d’emblée « que sa plus haute ambition était de devenir évèque de Jérusalem suffisamment à temps pour pouvoir accueillir le Sauveur à la porte de la cité ».
La motivation essentielle du révérend Hechler dans son soutien au sionisme politique est d’ordre religieux. Passionné des prophéties bibliques, il était convaincu de l’imminence du Second Avènement. Deux ans avant la publication par Herzl de « l’Etat des Juifs», Hechler a publié (en 1894) une brochure intitulée « The restauration of the Jews to Palestine ». La thèse présentée par Hechler dans sa brochure est celle de tous les Chrétiens sionistes qui croient fermement que la venue du Messie doit être précédée par le rassemblement des Juifs en Palestine.
Dès leur première rencontre, Hechler a résumé à son hôte sous forme de vœu le sionisme chrétien : « Selon la Bible, les Juifs doivent retourner en Palestine. Par conséquent, je viens en aide à ce mouvement, en tant que Chrétien pleinement convaincu de la vérité de la Bible. Car cette cause est la cause de Dieu ».
La doctrine se base sur le messianisme et le millénarisme. Autrement dit sur l’espoir ardent de la Parousie, le Second Avènement de Jésus, et sur le vœu d’être ressuscité pour être parmi ses apôtres pour vivre avec lui. C’est cette vie préparadisiaque de mille ans, faite de justice et d’amour, prélude à la fin des temps, qu’on appelle le Millénaire. Le Second Avènement de Jésus, ou Parousie, et les mille ans du règne du Messie Sauveur ne peuvent avoir lieu dans une certaine théologie chrétienne que lorsque les Juifs se ressembleront en Palestine pour se convertir au Christianisme et reconnaître la messianité de Jésus.
Ainsi, Theodore Herzl était pour la première fois en face d’un non-juif totalement convaincu de la nécessité de la colonisation de la Palestine par les Juifs.
Depuis cette rencontre, Hechler n’a pas quitté Herzl et n’a pas hésité un moment à lui ouvrir les portes des chancelleries allemandes et austro-hongroises. Ayant été précepteur à la Cour du Grand Duc Frédéric de Bade, l’oncle de l’empereur Guillaume II, Hechler, dont le père est allemand, a su garder d’excellentes relations avec son ancien maître. Ne s’étant jamais servi de ces relations à des fins personnelles, il les a utilisées pour ce qu’il considère comme la cause de son existence. Travailleur infatigable et militant convaincu, son action a été déterminante pour mettre Herzl en contact avec les dirigeants les plus influents des empires germanique et austro-hongrois. Son engagement au côté de Herzl était si sincère et total que lorsque tant d’obstacles étaient érigés devant ce dernier pour rencontrer le Kaiser en Allemagne, Hechler, parfait connaisseur de la Cour impériale, l’a alors incité à faire le voyage en Palestine où il s’est chargé de lui organiser la rencontre avec le Kaiser Guillaume II.
Vue les fonctions de Hechler à l’ambassade Britanique, il est légitime de penser que tout ce qu’il a fait pour le sionisme politique avait l’aval et la bénédiction des autorités politiques de Sa Majesté…A titre de gratitude, Hechler s’est vu invité au premier Congrès de Bâle.