mardi, janvier 20, 2009
vendredi, janvier 16, 2009
Du haut d’un ciel sans nuage.
Dans un éditorial publié par Haaretz, Gideon Levy dénonce la violence aveugle à laquelle conduisent les raids aériens massifs de Tsahal sur la bande de Gaza.
Les meilleurs de nos jeunes hommes attaquent Gaza. De braves garçons, issus de bonnes familles, qui font un sale boulot. La plupart d’entre eux, éloquents et plein d’assurance, respectent généralement les principes moraux. Pourtant, le samedi noir du 27 décembre dernier, ils se sont mis à bombarder la bande de Gaza.
Ils ont bombardé la cérémonie de remise de diplômes d’une promotion de jeunes policiers (qui avaient donc trouvé cette denrée rare à Gaza : un travail), les massacrant par dizaines. Ils ont bombardé une mosquée, tuant cinq sœurs de la famille Balousha dont la plus jeune avait 4 ans. Ils ont bombardé un commissariat, blessant au passage une femme médecin, qui se trouve depuis dans un état végétatif à l’hôpital Shifa, débordé par le nombre de morts et de blessés. Ils ont bombardé une université, l’équivalent de « Rafaël », notre centre de développement de l’armement, et détruit les résidences universitaires. Ils ont lâché des centaines de bombes du haut d’un ciel sans nuage et sans risque.
En quatre jours, ils ont tué 375 personnes. Ils n’ont pas fait la distinction – d’ailleurs ils ne le pouvaient pas – entre un dirigeant du Hamas et ses enfants, entre un agent de la circulation et un lanceur de roquettes, entre une cache d’armes et un dispensaire, ou encore entre le premier et le second étage d’un immeuble surpeuplé abritant des dizaines d’enfants. Selon différentes sources, environ la moitié des personnes tuées sont des civils innocents. Nous ne pouvons pas reprocher aux pilotes leur manque de précision : dès lors que l’arme est un avion et l’objectif une étroite bande de terre surpeuplée, les bavures sont inévitables. De fait, nos excellents pilotes sont désormais des brutes. Comme à l’entraînement, ils bombardent tranquillement, sans affronter le moindre appareil ou système de défense ennemi.
Il est difficile de savoir ce qu’ils pensent, ce qu’ils ressentent. Cela ne changerait probablement rien : seuls leurs actes comptent. De toute façon, à une altitude de plusieurs centaines de mètres, la terre devient aussi abstraite qu’une tache d’encre. Une fois la cible verrouillée, on appuie sur le bouton et une colonne de fumée noire se forme. Mission accomplie ! Les pilotes ne voient pas le résultat de leurs frappes. Leurs têtes sont sûrement pleines d’histoires horribles sur Gaza – eux-mêmes ne s’y sont jamais rendus –, comme s’il n’y avait pas, là-bas, un million et demi d’êtres humains désirant seulement vivre avec un minimum de dignité et dont certains, jeunes, comme eux, caressent le rêve de faire des études, d’avoir un travail, de fonder une famille. Mais sans aucune chance, avec ou sans bombardement, de le concrétiser.
Les pilotes pensent-ils aux enfants de réfugiés dont les parents et grands-parents avaient déjà été chassés de chez eux ? Pensent-ils aux centaines de personnes qui seront invalides ? Pensent-ils à la terrible haine qu’ils sèment non seulement à Gaza mais aussi à travers le monde, qui regarde les images d’horreur retransmises par la télévision ?
Ce ne sont pas les pilotes qui décident la guerre, ils en sont les sous-traitants. Les décideurs endossent la vraie responsabilité, mais les pilotes sont leurs complices. En revenant de mission, ils sont accueillis avec tous les honneurs. Non seulement personne ne remet en cause leur comportement moral, mais ils sont les héros de cette guerre maudite. Au cours de ses points presse, le porte-parole de Tsahal loue leur « excellent travail ». Lui aussi, bien sûr, ignore les images de Gaza. Après tout, il ne s’agit pas de garde-frontières sadiques passant à tabac des Arabes à Naplouse ou à Hébron, ni de cruels agents secrets exécutant de sang-froid leurs victimes. Ce sont, je le répète, nos meilleurs jeunes.
S’ils venaient, ne serait-ce qu’une fois, à regarder le résultat de leur « excellent travail », ils regretteraient peut-être les conséquences de leurs actes. S’ils se rendaient, juste une fois, au service pédiatrique et au centre de rééducation de l’hôpital Alyn de Jérusalem, où est hospitalisée depuis près de trois ans Marya Aman – quadraplégique âgée de 7 ans qui conduit sa chaise roulante et sa vie avec son menton –, ils seraient secoués. Cette adorable petite fille a été blessée à Gaza par un missile qui a tué presque toute sa famille. Et c’est l’œuvre de nos pilotes.
Source.
Les meilleurs de nos jeunes hommes attaquent Gaza. De braves garçons, issus de bonnes familles, qui font un sale boulot. La plupart d’entre eux, éloquents et plein d’assurance, respectent généralement les principes moraux. Pourtant, le samedi noir du 27 décembre dernier, ils se sont mis à bombarder la bande de Gaza.
Ils ont bombardé la cérémonie de remise de diplômes d’une promotion de jeunes policiers (qui avaient donc trouvé cette denrée rare à Gaza : un travail), les massacrant par dizaines. Ils ont bombardé une mosquée, tuant cinq sœurs de la famille Balousha dont la plus jeune avait 4 ans. Ils ont bombardé un commissariat, blessant au passage une femme médecin, qui se trouve depuis dans un état végétatif à l’hôpital Shifa, débordé par le nombre de morts et de blessés. Ils ont bombardé une université, l’équivalent de « Rafaël », notre centre de développement de l’armement, et détruit les résidences universitaires. Ils ont lâché des centaines de bombes du haut d’un ciel sans nuage et sans risque.
En quatre jours, ils ont tué 375 personnes. Ils n’ont pas fait la distinction – d’ailleurs ils ne le pouvaient pas – entre un dirigeant du Hamas et ses enfants, entre un agent de la circulation et un lanceur de roquettes, entre une cache d’armes et un dispensaire, ou encore entre le premier et le second étage d’un immeuble surpeuplé abritant des dizaines d’enfants. Selon différentes sources, environ la moitié des personnes tuées sont des civils innocents. Nous ne pouvons pas reprocher aux pilotes leur manque de précision : dès lors que l’arme est un avion et l’objectif une étroite bande de terre surpeuplée, les bavures sont inévitables. De fait, nos excellents pilotes sont désormais des brutes. Comme à l’entraînement, ils bombardent tranquillement, sans affronter le moindre appareil ou système de défense ennemi.
Il est difficile de savoir ce qu’ils pensent, ce qu’ils ressentent. Cela ne changerait probablement rien : seuls leurs actes comptent. De toute façon, à une altitude de plusieurs centaines de mètres, la terre devient aussi abstraite qu’une tache d’encre. Une fois la cible verrouillée, on appuie sur le bouton et une colonne de fumée noire se forme. Mission accomplie ! Les pilotes ne voient pas le résultat de leurs frappes. Leurs têtes sont sûrement pleines d’histoires horribles sur Gaza – eux-mêmes ne s’y sont jamais rendus –, comme s’il n’y avait pas, là-bas, un million et demi d’êtres humains désirant seulement vivre avec un minimum de dignité et dont certains, jeunes, comme eux, caressent le rêve de faire des études, d’avoir un travail, de fonder une famille. Mais sans aucune chance, avec ou sans bombardement, de le concrétiser.
Les pilotes pensent-ils aux enfants de réfugiés dont les parents et grands-parents avaient déjà été chassés de chez eux ? Pensent-ils aux centaines de personnes qui seront invalides ? Pensent-ils à la terrible haine qu’ils sèment non seulement à Gaza mais aussi à travers le monde, qui regarde les images d’horreur retransmises par la télévision ?
Ce ne sont pas les pilotes qui décident la guerre, ils en sont les sous-traitants. Les décideurs endossent la vraie responsabilité, mais les pilotes sont leurs complices. En revenant de mission, ils sont accueillis avec tous les honneurs. Non seulement personne ne remet en cause leur comportement moral, mais ils sont les héros de cette guerre maudite. Au cours de ses points presse, le porte-parole de Tsahal loue leur « excellent travail ». Lui aussi, bien sûr, ignore les images de Gaza. Après tout, il ne s’agit pas de garde-frontières sadiques passant à tabac des Arabes à Naplouse ou à Hébron, ni de cruels agents secrets exécutant de sang-froid leurs victimes. Ce sont, je le répète, nos meilleurs jeunes.
S’ils venaient, ne serait-ce qu’une fois, à regarder le résultat de leur « excellent travail », ils regretteraient peut-être les conséquences de leurs actes. S’ils se rendaient, juste une fois, au service pédiatrique et au centre de rééducation de l’hôpital Alyn de Jérusalem, où est hospitalisée depuis près de trois ans Marya Aman – quadraplégique âgée de 7 ans qui conduit sa chaise roulante et sa vie avec son menton –, ils seraient secoués. Cette adorable petite fille a été blessée à Gaza par un missile qui a tué presque toute sa famille. Et c’est l’œuvre de nos pilotes.
Source.
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